La distinction entre la tactique et la stratégie.

Publié le par Jimoni

La distinction entre la tactique et la stratégie n'est pas évidente. Le problème est le suivant : il n'y a pas de consensus, les auteurs définissent différemment la tactique et la stratégie. Dès lors, il me sera difficile de donner une définition satisfaisante. Malgré tout, je vais essayer de synthétiser ce que je sais de cette distinction pour vous en donner une idée, à défaut de pouvoir vous donner des définitions claires et précises. De toute façon, je ne me suis pas laissé le choix : un lecteur m'a rappelé que j'avais écris dans un article précédant que je ferai un article sur la distinction entre la tactique et la stratégie. Chose promise, chose due : voilà l'article.

Il me semble que trois catégories de distinction se dégagent :

La tactique et la stratégie : une différence d'échelle.

La distinction la plus simple consiste à concevoir la tactique comme l'échelon inférieur de la stratégie. La tactique serait l'art de conduire une bataille, alors que la stratégie serait l'art de conduire la guerre dans son ensemble. Dans cette conception, la tactique est la gestion d'un événement particulier contenu dans un événement plus large dont l'art de la gestion est la stratégie. La question du tacticien est de savoir comment gagner la bataille, alors que le stratège se demanderait comment utiliser les batailles pour remporter la guerre, en quelque sorte.

Le problème est qu'entre la bataille et la guerre, il y a les campagnes militaires, les grandes batailles, les manœuvres, etc. Il y a une pluralité d'échelons. Pour clarifier tout cela, certains auteurs estiment que toute stratégie est la tactique d'un échelon plus grand, et que toute tactique est la stratégie d'un échelon plus petit : dans ce cas, les théories stratégiques s'appliquent aussi bien à la tactique qu'à la stratégie puisqu'ils n'ont aucune différence de nature. Pour d'autres auteurs, la stratégie doit être réservée exclusivement à l'échelon de la gestion de la guerre : tous les autres événements relèvent de la tactique (la campagne, c'est de la grande tactique ; la bataille, de la tactique ; le combat, de la petite tactique, etc.).

La tactique et la stratégie : un partage de tâches à une même échelle.

Certains auteurs font la distinction suivante : la stratégie s'occupe des manœuvres précédant le combat (bataille), alors que la tactique s'occupe de la gestion du combat en lui-même.  Ici, l'échelle est à la même. Cette distinction rappelle celle entre approche directe et approche indirecte. L'approche indirecte s'occupe de créer un contexte favorable à la victoire sur le champ de bataille : ce serait de la stratégie. L'approche directe s'occupe de remporter effectivement la victoire sur le champ de bataille : ce serait la tactique.

Le problème est que le combat n'exclut pas la manœuvre (les exemples sont nombreux : la bataille de Rossbach en 1757), et que les manœuvres n'excluent pas des combats (exemple, lors de la bataille d'Ulm de 1805, si je me souviens bien des escarmouches ont lieu durant les manœuvres françaises précédant la bataille).

La tactique et la stratégie : le critère politique.

La troisième catégorie de distinction qu'on peut noter est celle qui distingue la tactique et la stratégie selon le critère politique. Plus précisément, la stratégie se distingue de la tactique car elle est de nature politique : le but de la stratégie n'est pas de remporter les combats en soi, mais plutôt d'accomplir l'objectif politique de la guerre. Par contre, la tactique n'aurait qu'un caractère strictement militaire : le but est de remporter le combat, point. Dans ce cas, mon blog devrait être renommé "passion-tactique" puisque c'est surtout de cet aspect que je traite (mais bon, le mot "stratégie" est plus vendeur).

Le problème de cette distinction est que dans les faits, tout est politique. On ne veut jamais gagner une bataille pour elle-même : la bataille répond toujours à un but politique, au moins indirectement. Par exemple, la bataille d'Aqaba en 1917 remportée par les Arabes contre les Ottomans est à la fois une victoire militaire parce que la ville est prise, mais aussi politique parce qu'elle est symbole de la résistance Arabe et de l'espoir qu'ils ont à pouvoir obtenir leur indépendance.

Conclusion : mon avis.

En vérité, je ne crois pas que la distinction soit réellement pertinente. J'ai le sentiment que le débat n'est qu'une question de forme en ce sens qu'on se demande quels sens donnés à ces suites de lettres que sont "tactique" et "stratégie". En soi, on n'a pas besoin de ces termes.

Pour les différences d'échelle, il suffirait de parler de très grande tactique, grande tactique, moyenne tactique, petite tactique, micro-tactique, etc. Ce que je veux dire c'est qu'il suffirait, à mon sens, d'avoir la même théorie pour la tactique et la stratégie, mais de prendre en compte dans la théorie la question des échelles en expliquant ce qu'elles impliquent.

Concernant la deuxième distinction, il me semble qu'il suffit de conserver les termes de "combat" et de "manœuvre" qui se suffisent en eux-mêmes. Que la gestion des manœuvres soit appelée "stratégie" et la gestion des combats "tactique", on s'en moque un peu : ce n'est qu'une question d'emploi des mots.

Enfin, la dernière distinction n'a que peu d'intérêt. Il me semble qu'il suffit de rappeler que la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens. Dès lors, dans la pratique, il faudra avoir en tête qu'il faut remporter des victoires militaires sans compromettre l'accomplissement des objectifs politiques, et qu'en cas d'incompatibilité avec les victoires militaires il faudra privilégier l'accomplissement des objectifs politiques.

Petit schéma : pour ne pas que vous soyez perdus lors de vos lectures.

En bref :

=> STRATEGIE = guerre, événement général, échelon supérieur, nature politico-militaire.

=> TACTIQUE = bataille, événement particulier d'une guerre, échelon inférieur, nature strictement militaire.

 

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