La 3ème bataille de Palmyre, retour de Daesh ?

Publié le par Jimoni

 

On le sait tous depuis un bon moment : Daesh perd du terrain. Bientôt, les djihadistes de Daesh n'auront plus aucun territoire contrôlé en Irak lorsque Mossoul tombera. À vrai dire, ils n'arrivent à se maintenir que dans l'Est de la Syrie dans la province de Deir ez-Zor ainsi que dans la partie Est de la province d'Homs. Aussi, ils perdent du terrain "médiatique". Sur les réseaux sociaux, ils font moins de bruit. Ils attirent de moins en moins de jeunes combattants. Economiquement, les multiples destructions de puits de pétrole, la perte de ville et la perte des zones frontalières avec la Turquie ( pour acheminer le pétrole ) ont fait qu'ils se sont gravement affaiblis économiquement. Bref, Daesh est à la dérive. Pourtant, du 8 décembre au 11 décembre dernier, les forces de Daesh ont pris d'assaut Palmyre et sont parvenus à reprendre cette ville rapidement en infligeant une défaite inattendue aux troupes d'Assad, mais aussi à la Russie. Mais bien plus qu'une défaite inattendue, c'est une grande défaite. En effet, il est dit que plus que les pertes humaines, ce sont les pertes matérielles qui sont terribles : au moins 30 blindés, de l'artillerie, des munitions etc. 

Mais comment cela a pu arriver ? On pensait que Daesh était définitivement sur la défensive. Qu'il ne faisait que perdre du terrain. À vrai dire, cela montre bien que comme nous l'avions dit dans un article précédent, il n'est pas prêt de périr. Mais intéressons-nous plutôt à la manière dont ils sont parvenus à prendre la ville de Palmyre. D'après les informations de Moscou, 4000 djihadistes ont participé à la conquête de Palmyre. Face à eux, 1000 soldats loyalistes. L'offensive est rapide : le 8 décembre les djihadistes s'emparent de plusieurs checkpoints à quelques kilomètres de la ville ainsi que de sites gaziers et pétroliers. Ils y amènent rapidement des camions-citernes dont un grand nombre sont détruits par les frappes de la coalition arabo-occidentale. Le jour suivant, ils continuent leur avancée, prenant sur leur passage un champ pétrolier par une embuscade, et arrivent aux portes de la ville. Le 10 décembre, ils entrent dans la ville et s'en emparent une grande partie. De leur côté, après avoir annoncé l'envoi de renforts qui ne viendront finalement pas, les loyalistes reconnaissent déjà leur défaite : ils évacuent la ville et détruisent des stocks d'armes pour qu'ils ne soient pas utilisés par Daesh. Pendant la nuit, la Russie bombarde des positions djihadistes, et cette riposte est a priori efficace puisque Daesh quitte la ville. Mais à l'aube, le 11, les djihadistes reprennent la ville entière et s'emparent des champs d'hydrocarbures aux alentours ainsi qu'un aéroport.

Maintenons, tâchons d'analyser rapidement cette bataille. Tout d'abord, on voit bien que le facteur déterminant de cette victoire est la mobilité. En très peu de temps, les djihadistes ont avancé de quelques kilomètres et la ville de Palmyre fut prise aussitôt qu'ils étaient parvenus à arriver à ses portes. On peut aussi remarquer qu'ils ont répondu efficacement aux frappes russes en quittant la ville la nuit pour échapper aux dégâts, pour la reprendre aussitôt au matin. Par là, ils ont rendu les frappes russes inutiles. Et encore une fois, tout cela grâce à leur mobilité. Cette mobilité a tout aussi bien servi à mener des actions offensives ( embuscade, conquête de la ville ) que défensives ( recul face aux frappes russes ). L'autre facteur déterminant est la surprise. Cela faisait plusieurs mois que l'influence de Daesh dans la zone de Palmyre se limitait à quelques incursions inoffensives et à harceler. Ainsi, quand le 8 décembre, les soldats de l'armée syrienne se sont retrouvés face à une offensive majeure, ils ont surement été pris de panique. Cette surprise, les événements en témoignent. On a pu voir que la défense de l'armée syrienne était comparativement faible, 1000 hommes, donc ils ne s'attendaient visiblement pas à une offensive. Ensuite, sa défense était désorganisée : les renforts qui ne sont pas arrivés, l'évacuation rapide de la ville qui a laissé des "trésors" à Daesh, les bombardements russes effectués tardivement... Et bien sur, le dernier facteur déterminant était la supériorité numérique des djihadistes. En fait, cette combinaison de facteur, mobilité, surprise, et supériorité numérique, ne pouvait rendre cette offensive qu'irrésistible. L'armée syrienne n'a tout simplement pas pu résister car elle n'a pas pu prévoir l'offensive, la rapidité de l'offensive ne lui a pas laissé le temps de s'organiser pour la contrer, et la supériorité numérique des djihadistes ne permettaient finalement que le choix du recul. Bref, l'offensive de Daesh fut bien orchestré et s'est révélé très efficace.

Mais quand est-il des conséquences de cette bataille ? Finalement, bien que Palmyre soit une ville symboliquement et stratégiquement importante, cette offensive ne marque pas vraiment le retour de Daesh. En effet, Daesh est toujours asphyxié par les frappes de la coalition arabo-occidentale ainsi que par les multiples acteurs au sol qui le menace. Ce qui fait que la tendance de la force de Daesh est toujours la même : elle est à la baisse. Néanmoins, des répercussions mineures sont à évoquer : cette victoire sur les vainqueurs d'Alep que sont la Syrie et ( surtout ) la Russie fait que le prestige de Daesh auprès d'éventuels adhérents peut se renforcer mais aussi que ses propres forces vont retrouver du moral. Concernant la Russie et la Syrie, cette défaite remet en cause leur toute-puissance, mais de manière si mineure que cette conséquence ne se fera pas vraiment sentir. En fait, cette victoire a permis à Daesh de montrer qu'ils sont toujours présents et que les revers de ces derniers mois ne signifient pas leur fin définitive. En bref, cela ne signifie pas le retour de Daesh, mais juste un rappel de sa présence.

 

[ Mise à jour du 15/12/2016 de l'article : les informations concernant les chiffres réelles des effectifs loyalistes et des effectifs djihadistes sont assez contradictoire au final. On ne sait pas vraiment si la garnison à Palmyre était en supériorité numérique par rapport aux djihadistes, ce qui pourrait remettre en cause le troisième facteur déterminant de la victoire de Daesh à Palmyre. Pour autant, les deux premiers facteurs restent inchangés. Aussi, nous pourrions ajouter un quatrième facteur, une quatrième force de l'offensive de Daesh que nous n'avions pas évoqué : la terreur. ]

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