À vouloir être partout, on finit par être nulle part.

Publié le par Jimoni

Le 22 juin 1941, l'opération Barbarossa est lancée. L'Allemagne nazie compte agrandir son territoire en envahissant les terres à l'est, les plaines russes. Cette opération s'inscrit dans la géopolitique allemande définie par Hitler depuis bien longtemps : le besoin d'un espace vital pour le Reich. Par ailleurs, depuis 1939, les conquêtes allemandes se sont multipliées : Pologne en 1939, France et Norvège en 1940. De plus, les allemands interviennent aux Balkans et commencent à intervenir en Afrique du nord. Bref, les allemands sont à l'ouest, au nord, au sud, et ils veulent pousser loin à l'est.

La conquête de la Russie est déjà débattue depuis plusieurs mois au sein de l'état-major allemand. Aussi, plusieurs camps s'opposent parmi les généraux. Certains généraux pensent que la clé de la victoire se situe au centre du commandement : Moscou. Une fois Moscou prise, l'Union soviétique sera désorganisée et conquise de suite. D'autant plus que Moscou est une importante réserve de population et un centre industriel. Ceux-ci considèrent également qu'une offensive parallèle sur Leningrad se justifie parce que cette dernière est la "seconde" capitale russe et parce qu'elle n'est pas si éloignée que cela de Moscou. Mais d'autres, comme Hitler, souhaitent prendre au plus vite le Caucase. En effet, certes l'Allemagne a volé de victoires en victoires en appliquant sa doctrine de la guerre de mouvement (la fameuse "Blitzkrieg"), mais à long terme ils ne possèdent pas assez de ressources pour soutenir l'effort de guerre. Notamment, leurs chars manquent de carburants. Mais, Hitler souhaite également concentrer les efforts vers Leningrad pour affaiblir les soviétiques et réaliser un gigantesque encerclement dont le point convergent serait Moscou. Finalement, ces débats stratégiques finirent par aboutir à un compromis : les efforts se concentreront à la fois vers Leningrad, vers Moscou, et vers le Caucase.

L'opération Barbarossa avait donc cette triple direction. Les Allemands ont connu des succès tactiques historiques en encerclant des corps entiers de l'Armée rouge. Certains encerclements ont même pu aboutir à l'emprisonnement de centaines de milliers de soldats russes. Et l'accumulation de ces victoires tactiques aboutirent à un résultat opérationnel impressionnant : les pertes (tués et blessés) allemandes étaient de moins d'un million tandis que les soviétiques accusèrent des pertes d'au moins 4 millions de soldats dont un peu plus de 3 millions de prisonniers.

Mais si d'un point de vue tactique et opérationnel, l'invasion allemande se montre concluante, il n'en est rien d'un point de vue stratégique. Leningrad est assiégé. La Bataille de Moscou est perdue faute d'effectifs suffisants mais aussi parce que l'offensive sur la ville est tardive, notamment à cause de la Bataille de Smolensk qui a permis aux soviétiques de gagner du temps en évitant un anéantissement rapide aux frontières, et qu'elle subit donc le mauvais temps. Par ailleurs, l'Ukraine est conquise mais les allemands ne sont pas encore arrivés au Caucase. La conquête du Caucase se fera partiellement l'année d'après, mais elle sera vite suivie par la défaite de Stalingrad qui marquera le début de la retraite allemande.

- EXPLICATIONS

On ne peut pas être au four et au moulin. Dommage pour Hitler, autrichien qu'il était, il ne pouvait pas connaître cette expression française. Or, il commit une erreur qu'aucun bon français n'aurait commis : il envoya ses forces au four, au moulin et même à l'église ! En voulant réaliser un compromis, l'état-major allemand a commis une erreur opérationelle grave, la dispersion des forces allemandes. En soi, les deux plans proposés n'étaient pas mauvais. En prenant 3 directions, le front s'est élargit, les lignes de communication se sont allongées, et tout cela a créé de la friction pour les allemands en rendant l'avance plus difficile. Bien sur, ce qui n'arrange pas l'un arrange l'autre et les soviétiques ont été sauvé par cette erreur. L'allongement du front ralentissant les opérations, les allemands ont également subi le mauvais temps. C'est ainsi que Leningrad a du être assiégé et que Moscou n'a pas pu être conquise.

Après, les allemands auraient pu réussir à vaincre avec ce plan si les effectifs étaient plus nombreux. Mais en plus de la dispersion opérationelle des forces, les forces allemandes étaient dispersées au niveau stratégique. Elles étaient au four, au moulin, à l'église et ailleurs ; soit, au nord (Scandinavie), à l'ouest (France), au sud (Balkans et Afrique), et à l'est (Russie). Ainsi, l'Allemagne nazie n'a pas pu exploiter jusqu'au bout ses succès tactiques en URSS faute de moyens. Pire, puisque sur le deuxième principal théâtre d'opérations, l'Afrique du nord, il se passa la même chose. L'AfrikaKorps rencontra des succès de la Tunisie jusqu'en Egypte. Le brillant général Erwin Rommel appliqua avec brio une guerre éclair qui était à deux doigts de transformer une succession de succès tactiques en victoire opérationnelle. Le problème est que les demandes de Rommel en moyens supplémentaires lui ont été refusées par Hitler qui préférait concentrer davantage de troupes sur le front est qui connaissait des difficultés après l'opération Barbarossa. En fait, si le choix avait été plus tranché, si les allemands avaient choisi notamment entre l'Afrique du nord et la Russie, il est probable qu'ils auraient pu connaître des succès opérationnelles. D'autant plus que le succès sur un front aurait permis un déplacement des troupes sur l'autre front.

Le principe de concentration est l'un des principes fondamentaux établis par la recherche stratégique, et ce principe est posé depuis longtemps. Le maréchal Foch énonçait déjà avant la Première Guerre mondiale 3 principes stratégiques : la concentration des efforts, la liberté d'action, et la sûreté/surprise. Or, Hitler a violé le premier de ces principes. En voulant tout conquérir trop vite, il n'a pu tenir aucune de ses conquêtes. À vouloir être partout, il s'est retrouvé nulle part.

 

Publié dans Leçon d'Histoire

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