La France peut-elle redevenir une Grande Puissance ?

Publié le par Jimoni / Passion Stratégie

La France n’est plus une grande puissance. Du moins, elle n’a plus l’éclat qu’elle avait auparavant. Il y a encore une centaine d’années, la France dominait un vaste territoire s’étalant en Afrique, en Asie, dans le Pacifique et dans les Amériques. Son armée de terre était considérée comme la plus puissante du monde. Avec son allié britannique, le monde était essentiellement dominé par l’Empire Britannique et l’Empire français. Si l’on regarde plus loin dans le passé, on observe que la France fut régulièrement reconnue comme une puissance de premier plan. À cet égard, l’Empire napoléonien en 1812 fait figure d’apogée de la puissance française.

Aujourd’hui, le glorieux passé de la France semble lointain, de plus en plus lointain à vrai dire. Son poids démographique est en constante diminution. Son économie ne progresse plus autant que par le passé et son poids économique est également en constante diminution face à l’émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde) et au dynamisme économique américain.

Pour autant, bien que la valeur des facteurs de la puissance française décroisse, cela signifie-t-il nécessairement que la puissance de la France diminue concrètement ? Autrement dit, la diminution relative des moyens de la France se traduit-elle forcément par une influence décroissante de la puissance française ?

Qu'est-ce que la puissance ?

Cette problématique de la puissance est toujours difficile à appréhender. De fait, la puissance n’est pas qu’une question de chiffres et c’est une erreur fréquente effectuée par les chroniqueurs que de déduire la puissance d’un État des seuls chiffres de « puissance » économique, militaire, démographique disponibles. Certains (mauvais) politologues vont, par exemple, affirmer que la Russie ne peut pas être une menace à l’OTAN en se fondant uniquement sur les dépenses militaires des Etats qui s’opposent. Si l’on met en parallèle les dépenses russes et les dépenses américaines, exprimées en dollar, on remarque que les secondes sont dix fois plus importantes que les premières. Cependant, cette analyse manque de très nombreux facteurs différents. D’abord, si on exprime différemment les dépenses, en prenant en compte la parité de pouvoir d’achat, la différence se rétrécit. Il faut également tenir compte de la manière dont les dépenses sont effectuées. Les États-Unis octroient sans doute un salaire plus important à ses soldats que la Russie. De même, les armes produites et achetées ne sont pas les mêmes, tout comme l’allocation du budget aux différentes branches de l’armée (terre, mer, air, espace), etc.

Plus globalement, sur l’économie, il est important d’analyser sur quoi se fonde l’économie de l’État. Certains États dépendent énormément d’un secteur d’activité (pétrole, gaz, etc.) alors que d’autres ont une économie plus diversifiée. Ces derniers n’ont pas une économie nécessairement plus solide parce qu’ils peuvent, par exemple, dépendre fortement des échanges internationaux. Certes, le Japon dispose de la troisième économie mondiale en termes de PIB nominal, il n’a cependant pas d’autonomie alimentaire et pourrait donc être très vulnérable à un embargo.

D’autres facteurs sont plus incalculables et tiennent à la culture de l’État ou à son organisation politique. Les Etats-Unis sont un pays disposant de moyens économiques et militaires considérables. Toutefois, le caractère fédéral de son organisation étatique conduit le gouvernement central des Etats-Unis à chercher des compromis avec les Etats fédérés tels que la Californie ou le Texas, et son système politique peut parfois rendre sa politique internationale incohérente. Souvenez-vous de la différence entre les années Obama et les années Trump. Plus anciennement, on peut également mentionner le refus du Sénat Américain de ratifier le Traité de Versailles après la Première Guerre mondiale, alors même que le gouvernement avait négocié ce traité.

Historiquement, des superpuissances sont nées malgré des facteurs semblant défavorables. L’Empire Mongol est né de rien. Son fondateur, Temudjin (Genghis Khan), a d’abord unifié une nation mongole divisée. Mais même unie, la « Mongolie » n’était pas, a priori, la première puissance mondiale et de loin. Sa population n’était constituée que de quelques centaines de milliers d’habitants. Face à elle, ses ennemis étaient beaucoup plus nombreux. Notamment, les Chinois étaient des dizaines de millions. Comment expliquer qu’en l’espace d’une vie, la Mongolie soit devenue la première puissance mondiale et le plus grand empire de tous les temps ? On peut expliquer ce phénomène de différentes manières. Leur culture prédisposait les Mongols à une vie rude, disciplinée et les préparaient à des opérations militaires d’envergure nécessitant une grande mobilité. Leurs armes étaient extrêmement efficaces et peu coûteuses. Les archers montés leur donnaient une flexibilité militaire sans égale. Pour autant, si l’on disposait de chiffres de l’époque, nul doute que l’on n’observerait pas une dépense militaire écrasante vis-à-vis de celle des autres nations, ni une économie florissante. Si la Mongolie est devenue la première puissance mondiale, c’est en raison de facteurs moins calculables et beaucoup plus concrets.

Ainsi, la puissance ne tient pas seulement à des chiffres et à une masse de moyens. Elle tient également à la façon dont les moyens sont utilisés, à l’efficacité relative de ces moyens, à de la chance peut-être ; bref, la puissance est un concept difficile à appréhender et à calculer.

Surtout, la puissance n’est pas absolue mais toujours relative. Je me rappelle d’une histoire du Père Castor dans laquelle un père souris voulait marier sa fille souris à l’être le plus puissant. Il alla donc voir le soleil. Mais le soleil lui rétorqua qu’un gros nuage était plus puissant que lui, parce qu’il ne pouvait l’empêcher de lui cacher la terre. Il alla donc voir le nuage qui, à son tour, lui affirma que le vent était plus puissant que lui. Il alla donc voir le vent qui lui répondit que l’être le plus puissant, c’était cette Tour, là-bas, qui, malgré son souffle, tenait toujours debout. Il alla donc voir la Tour qui lui aussi refusa la main de sa fille, parce que le plus puissant était la souris qui rongeait ses fondations. Il alla donc voir la souris qui accepta la main de sa fille.

Conclusion : Oui, la France est une Grande Puissance en devenir.

Si la puissance est relative en plus d’être difficile à mesurer, alors, à quoi bon tenir compte de ces chiffres sur la puissance économique ou militaire de la France ? La véritable question qui importe est plutôt de savoir ce que nous voulons pour la France, c’est-à-dire quels sont les objectifs que nous voulons lui fixer ? Une fois ces objectifs définis, il faut alors réfléchir à comment les atteindre ? Que dois-je pouvoir faire (la puissance, c’est le pouvoir, c’est « ce que je peux faire ») ? Ce n’est qu’après avoir réfléchi à ces questions qu’on peut alors agir et préserver ce qui nous tient à cœur dans le « projet France ».

Et ce n’est qu’une fois que les objectifs pourront être durablement accomplis que nous pourrons dire de la France qu’elle est une grande puissance, parce que cela se traduira par le fait qu’elle sera maître de son destin.

 

Publié dans Réflexions

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