La stratégie, c'est pas compliqué : l'exemple du maréchal Turenne.

Publié le par Jimoni

Anecdote personnelle :

Il y a quelques jours, à la plage, je me mis à l’écart du groupe de personnes qui m’accompagnaient. « Je reviens, je vais monter pour contempler le paysage d’un peu plus haut. », leur dis-je, à quelques mots près. Une fois bien éloigné, en haut de la colline, je décidai de la descendre du côté inverse du chemin que j’avais emprunté. Cela me permettait donc de revenir auprès de mon groupe par le côté inverse duquel j’étais parti. Quel intérêt, me direz-vous ? L’objectif était de créer un effet de surprise. En perdant mon temps à rallonger mon itinéraire de retour, j’ai acquis, grâce à ma position stratégique inattendue, la possibilité de surprendre mes proches. Me faufilant derrière les buttes de terres et de sables créées par les marées montantes, ils ne purent nullement remarquer que je me rapprochais dangereusement. Bientôt, je n’étais plus qu’à quelques centimètres d’eux quand, soudain, sortit de ma bouche une terrifiante onomatopée : « Bouh ! ». La réaction de mes cibles fut immédiate. Elles réagirent en émettant également une onomatopée qui, toutefois, symbolisait pour moi la réussite de ma mission : « Aaaaaah ! ».

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Jaune = Sable // Marron = Buttes de terres et de sables // Vert clair = Herbes // Vert foncé = Colline // Noir = Groupe // Bleu = Moi

 

La Bataille de Turckeim (1675) :

Le soir, en me couchant, je songeais à la grandeur de mon action. La comparant avec les exploits réalisés par les plus illustres généraux de l’histoire, une bataille de renom me vint à l’esprit, et je ne pus dès lors m’empêcher de penser que cet après-midi, j’avais réalisé le même exploit que monsieur Turenne en son temps. En janvier 1675, lors de la Guerre de Hollande, en Alsace près de Turckeim, le maréchal Turenne était à la tête d’une armée nombreuse de 30.000 sujets de sa Majesté le Roi, Louis XIV. Lui faisait face l’armée du Saint-Empire qui, quant à elle, était forte de 50.000 soldats. Les Français étaient situés au nord de l’Alsace, tandis que les Austro-brandebourgeois étaient au sud de l’Alsace après avoir traversé le Rhin en automne. L’hiver étant venu, les combats étaient censés cesser. Mais ils ne cessèrent point. Une fois qu’il eut appris la position de l’armée ennemie, Turenne conçut un plan brillant. Plutôt que de venir directement à la rencontre de ses adversaires, en plein hiver, avec une armée moins nombreuse, il décida de traverser les vosges à l’est, puis de se diriger vers le sud, avant de rebiquer ses troupes vers le nord-ouest pour prendre à revers l’ennemi et percer son flanc. La manœuvre était longue. Elle porta pourtant ses fruits. L’armée du Saint-Empire s’écroula aisément devant l’effet de surprise de l’armée française et ne put mettre en ordre son dispositif. Leur commandant, Frédéric-Guillaume Ier de Brandebourg, opta pour la fuite. Turenne, en perdant son temps à traverser les Vosges, gagna un temps considérable en expulsant facilement de l’Alsace les Germains.

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Bataille de Turckeim (1675) // // // Noir = Alsace // Bleu = Rhin // Triangles marrons = Montagnes // Vert = Turenne // Orange = Ennemis

Que je suis grand !

Nul doute que mon exploit est aussi grand que celui de Turenne. Tous deux, nous avons compris que perdre son temps immédiatement, c’était souvent le gagner ultérieurement. Cette leçon, si l’on en croît le plus grand stratégiste de tous les temps, Sir Basil Liddell Hart, découle de l’histoire militaire toute entière. L’approche indirecte selon lui, qui consiste à retarder la bataille, ou la guerre, pour prendre le temps d’acquérir des avantages sur l’adversaire, jusqu’au moment où l’issue du combat nous sera nécessairement avantageuse, est la stratégie la plus saine. Ce stratégiste est critiqué pour son manque de rigueur scientifique. Pourtant, non seulement les observations empiriques montrent la pertinence de ses recommandations stratégiques (ma brillante manœuvre à la plage, la bataille de Turenne, mais il existe également de nombreuses batailles du même type : la bataille de l’Hydaspe, la bataille du Lac Trasimène, etc.), mais la logique aussi le démontre. En effet, si vous êtes inférieur à votre adversaire, n’engagez pas le combat, parce que vous allez le perdre. Il ne vous reste alors plus qu’à patienter, jusqu’au bon moment, c’est-à-dire celui où vous serez certain de le vaincre en cas de bataille. De même, si vous êtes supérieur, vous précipiter sera sans doute vain. S’il est intelligent, l’ennemi vous fuira. Patientez alors, mettez tout en œuvre pour le prendre par surprise. Usez de ruses et de fausses informations, et vous réussirez à le choper. On n’attrape pas un oiseau en lui courant après, mais en l’attirant dans une cage après l’avoir appâté. Pensez-y.

Pour finir, blague à part, voyez comment l’art de la guerre est simple. Si j’ai comparé mon exploit à celui de Turenne de façon si présomptueuse, c’était davantage pour vous illustrer que la manœuvre de Turenne n’était pas extraordinaire, en ce sens qu’elle est en vérité à la portée de tous. Sun Tzu a dit : « Les troupes que vous ferez avancer contre l'ennemi doivent être comme des pierres que vous lanceriez contre des œufs ». L’essence même de l’art de la guerre, c’est savoir attaquer au bon moment, et se retirer quand il le faut.

 

 

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