Les principes de la guerre ne servent à rien (?).

Publié le par Jimoni

La science stratégique a depuis longtemps établi une liste non exhaustive ni déterminée de principes de guerre qui visent à guider l'action du stratège lorsque celui-ci doit mener ses armées à la victoire. Il n'existe toutefois pas de lois de la guerre. Pour autant, si nous devions en donner, il ne serait pas irraisonnable d'adopter comme lois, outre l'adéquation des moyens aux objectifs que l'on se donne, l'adaptation aux circonstances. En effet, le simple bon sens nous révèle que la meilleure façon de gagner, c'est de s'adapter à la guerre face à laquelle on est confronté.

 

Parmi les auteurs militaires qui parlent de l'adaptation aux circonstances, on trouve évidemment Clausewitz lorsqu'il compare la guerre à un caméléon. Mais, plus marquant encore que ce dernier, c'est sûrement le général de Gaulle qui a le plus insisté dessus. Dans son livre « Le Fil de l'épée » paru en 1932, Charles de Gaulle insiste particulièrement sur ce point. Il constate d'abord, comme Clausewitz, que la guerre est contingence. Elle est contingente d'une part parce qu'il y a bien des guerres et non une guerre, mais aussi parce que les informations sont brouillées (le brouillard de guerre). Or, comment être efficace dans un tel milieu ? De Gaulle répond qu'il y a deux conditions : il faut d'une part récolter des informations pour mieux appréhender la situation, puis il faut être capable de s'adapter aux circonstances. Comment s'adapter alors aux circonstances ? De Gaulle dit que le chef de guerre doit disposer d’une bonne intuition qui, selon lui, est le résultat de la combinaison entre l’intelligence (la capacité d’analyse, les connaissances théoriques) et l’instinct (ce que Clausewitz appelait pour sa part le « coup d’œil »).

 

Nous n'allons pas développer davantage sur ces points, le but n'était pas ici de commenter le général de Gaulle. La réflexion qui m'est venue est d'un autre ordre. En effet, je ne pense pas me tromper si j'affirme que tout le monde est d'accord pour dire que la capacité à s'adapter aux circonstances est un critère essentiel à la réussite de toute stratégie militaire, et de toute stratégie tout court. Que ce soit par le bon sens ou par le raisonnement, nous parvenons tous, je crois, à cette même conclusion. Pourtant, personne n'est capable de définir véritablement ce qu'est « l'adaptation aux circonstances ». Qu'est-ce que s'adapter ? Comment s’adapter ? Peut-être que certains stratégistes contemporains diront que c'est la capacité à savoir appliquer les principes de guerre établis à la situation présente. Mais cela ne résout pas la question de fond : comment savoir appliquer ces principes aux cas singuliers concrets ? Ainsi, nous affirmons tous le bien-fondé de cette « loi » d'adaptation aux circonstances sans pour autant être capable de la définir.

 

J'arrive alors à la problématique suivante. Nous sommes tous d'accord pour appliquer la loi d'adaptation aux circonstances pour établir des stratégies. Pour autant, nous ne sommes pas capables de la définir. Mais à la fois, ce n'est pas gênant, nous voyons à peu près ce que cela veut dire et nous savons que quiconque respecte cette loi, ce conseil, se débrouillera mieux que celui qui ne le respecte pas. Nous avons par ailleurs des exemples inspirants de personnes qui sont parvenues à s'adapter aux situations et à remporter des victoires. Dans ce cas, si nous sommes d'accord en l'absence de définition sur cette loi, mais que son respect emporte tout de même des effets bénéfiques en pratique, dans l'action, alors avons-nous besoin de définir pour agir ? L'action a-t-elle besoin de définition ? L'art a-t-il besoin d'une sémantique, voire d'une science ?

 

Je vous invite à me faire part de vos réflexions et de vos réponses sur cette problématique. J'en serai ravi.

 

Publié dans Réflexions

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